13/02/2024

Un débat sur le rôle essentiel des autorités s’impose

Les autorités se sont également engagés pleinement dans les processus administratifs numériques. Mais la collaboration entre les acteurs informatiques et les services publics pourrait être beaucoup plus fluide et transparente.

« Nous touchons deux ménages sur trois avec Doccle », déclare fièrement Bram Lerouge, CEO de l’entreprise. Dix ans après son lancement, la plateforme d’administration de l’entreprise informatique basée à Louvain est une valeur sûre en matière de gestion numérique des documents importants. Mais plusieurs initiatives des autorités suscitent des interrogations : « Le climat d’incertitude décourage les acteurs privés de continuer à investir dans leur application. »

« Depuis que nous avons lancé Doccle en 2014, nous avons enregistré une solide croissance. Aujourd’hui, plus de 3 millions de particuliers utilisent notre plateforme. Nous touchons ainsi 63 % des ménages belges. En outre, nous comptons 180.000 utilisateurs professionnels. C’est surtout parmi les entrepreneurs indépendants et les petites sociétés que nous sommes bien implantés. »

Bram Lerouge, CEO Doccle

Les incitants fiscaux aident

« Nous continuons à investir dans le développement de notre plateforme et de fonctionnalités supplémentaires », dit-il encore. « La moitié de nos collaborateurs travaillent dans le domaine de la R&D. Ce n’est pas un secret : nous sommes favorables à ce que le système fiscal soutienne la R&D. L’abolition du régime fiscal favorable des droits d’auteur, c’est une autre histoire. La suppression de ce mode de rémunération attractif pèse énormément sur nos coûts salariaux. »

Des fournisseurs d’énergie aux hôpitaux et aux mutuelles, en passant par les banques et les compagnies d’assurance : dans presque tous les secteurs, les entreprises utilisent la plateforme Doccle pour échanger des documents de manière sûre et efficace avec leurs clients. Et les pouvoirs publics ? Bram Lerouge : « Ils se sont également engagés pleinement dans les processus administratifs numériques. Mais la collaboration entre les acteurs informatiques et les services publics pourrait être beaucoup plus fluide et transparente. »

 

Éliminer la concurrence déloyale

Récemment, les autorités fédérales ont mis sur pied un processus de certification pour les envois recommandés numériques. Cette démarche s’inscrit dans le cadre du règlement européen eIDAS. Bram Lerouge : « Pour qu’un envoi électronique ait la même valeur probante que la version papier classique, le processus numérique doit répondre à un certain nombre de critères. Doccle comprend une fonctionnalité pour les envois recommandés. Nous avons donc pensé qu’il s’agissait là d’une opportunité à ne pas manquer. Nous nous attelons par conséquent à obtenir cette certification. »

Jusqu’à ce que les autorités décident que tous les envois vers l’eBox – la boîte aux lettres numérique des pouvoirs publics destinée aux citoyens – sont automatiquement considérés comme des envois recommandés électroniques, sans répondre aux critères techniques du règlement eIDAS.

Bram Lerouge : « Le libre accès a été accordé aux entreprises publiques. Les autorités coupent donc à vrai dire l’herbe sous le pied des acteurs informatiques privés, en utilisant la législation pour contourner leurs propres règles pour les acteurs privés. Le climat incertain ainsi créé vous décourage d’investir dans vos applications et vos nouvelles fonctionnalités. »

Le rôle essentiel des autorités ?

Il est capital que les autorités travaillent à la mise en place d’une administration numérique, mais la question est de savoir si elles doivent aussi développer elles-mêmes des outils », dit-il en conclusion. « Il y a sur le marché beaucoup de développeurs de logiciels qui sont devenus des marques de confiance à l’issue d’un parcours impressionnant et qui ont des connaissances spécialisées et une expérience étendue. »

Selon le CEO de Doccle, le message pour les autorités est le suivant : exploitez toute cette expertise au lieu de consacrer des budgets importants au développement interne et à la maintenance d’une application pendant des années. Bram Lerouge : « Je suis convaincu qu’il y a suffisamment d’acteurs compétents dans notre secteur informatique pour conseiller et soutenir les pouvoirs publics. Il est grand temps de lancer un débat sur la question de savoir quel est le rôle essentiel des autorités !

Il est capital que les autorités s’engagent en faveur de la numérisation. Mais la question est de savoir si elles doivent aussi développer elles-mêmes des outils.

Bram Lerouge, CEO Doccle