Le gouvernement creuse le fossé numérique en accentuant la fragmentation numérique
À l’ère de l’efficacité numérique et de l’importance de l’accessibilité et de la confiance numériques, le gouvernement belge opte pour une complexité accrue.
En effet, l’introduction de l’application MyGov, destinée à faciliter les e-flux administratifs entre les citoyens et les services publics, provoque ironiquement davantage de confusion que de simplification. Nos autorités, quelles qu’elles soient, envahissent nos smartphones déjà surchargés, de mille et une nouvelles plateformes. Après MyPension, MySanté, MyMinfin, GovApp ou mon Espace, voici MyGov.
Rien d’étonnant à ce que nos concitoyens s’y perdent, qu’ils passent à côté de certains documents ou qu’ils oublient involontairement de payer certaines factures gouvernementales. Tout simplement, ils ne les retrouvent pas. Soulignons d’ailleurs que l’adage « qui cherche trouve » date de bien avant la prolifération des applications.
Ministère de la fragmentation numérique
Dans notre pays, chaque niveau de gouvernement développe une, voire plusieurs applications. Or chaque nouvelle application, au lieu de contribuer à la simplification des flux, creuse un peu plus le fossé numérique. Cette complexité croissante se reflète dans les récentes conclusions du tout dernier Digimètre d’imec (2023), qui révèle que 38 % des Belges ont l’impression d’être envahis par les technologies numériques.
Pour les citoyens, l’évolution est trop rapide, et les changements trop nombreux. D’où l’urgence d’une consolidation et d’une simplification pour que tout le monde puisse continuer à suivre.
Nous sommes tous confrontés à une période de transition importante, de la conversion du papier au numérique. La fragmentation de notre administration en est l’un des points sensibles. Les documents importants nous sont envoyés par différents canaux et sont conservés à différents endroits, ce qui constitue un fameux défi notamment pour les moins aguerris d’entre nous.
Pourtant, l’objectif de nos gouvernements est de permettre à chacun de sauter dans le train du numérique. Mais, vu le nombre de gares qui jalonnent le chemin, l’intercité qui devrait nous conduire à destination sans trop de soucis ni désagréments, se transforme en un omnibus lent et pataud.
Unissons nos forces !
La simplification numérique n’est possible que si elle s’inscrit dans le cadre d’un dispositif centralisant tous les documents et toutes les données des entreprises privées et des entreprises publiques, au sein d’une seule et même plateforme. Mais, pour y parvenir, il faut que les différents niveaux de pouvoir et les entreprises privées collaborent dans notre pays.
La simplification numérique de l’administration constitue un énorme défi, mais également une magnifique opportunité. Pour la saisir, il faut instaurer un débat fondamental sur le rôle des services publics à l’ère du numérique. Leur rôle essentiel ne doit plus être axé sur la conception d’outils numériques, en y consacrant beaucoup de ressources, mais évoluer vers la facilitation des collaborations avec les entreprises privées. Des sociétés informatiques belges innovent et optimalisent constamment des processus administratifs, tant pour les entreprises que pour les particuliers. Collaborer avec ces entreprises pour voir comment elles peuvent consolider les plateformes afin de centraliser les documents des secteurs privé et public serait beaucoup plus efficace et conduirait à des améliorations plus rapides.
Ne pas créer, mais faciliter
Il est temps que les gouvernements belges décident judicieusement de ne plus endosser le rôle de concepteur, mais plutôt d’endosser celui de facilitateur pour stimuler la puissance d’innovation de nos entreprises privées. À cette fin, ils peuvent adopter et dynamiser les initiatives privées fructueuses pour guider et accélérer la transformation numérique inclusive.
En unissant les forces et en exploitant la capacité d’innovation des entreprises privées, la Belgique pourra continuer à se profiler en tant que pionnière de l’innovation numérique. Mais, pour y parvenir, il faut instaurer une politique clairement en faveur des initiatives existantes, qui ont déjà prouvé leur efficience, et créer un environnement propice à l’évolution technologique.
Si nos gouvernements régionaux et fédéral ont vraiment pour ambition de combler le fossé numérique, ils doivent commencer par revoir leurs propres modes de fonctionnement. Il est impératif de proposer une utilisation efficace des outils numériques en les centralisant. Arrêtons la prolifération sauvage des applications et veillons à ce que notre administration numérique soit épurée et ordonnée !
Nous ne pourrons y arriver qu’en permettant à tous les outils administratifs existants d’interagir. Chers gouvernements, arrêtez de développer mille et une applications spécifiques, chacun dans votre coin ! Ne favorisez pas la fragmentation numérique, œuvrez plutôt en faveur de la consolidation numérique sur la base d’une collaboration étroite avec des initiatives privées réussies !